Ecrivain en herbe

Milou

Quand j'ai su que j'étais malade, je ne savais pas quoi faire. Je ne te sentais pas prête à l'entendre, et à la fois, tu me paraissais tellement forte, comme si tu pouvais tout endurer. Tu donnais l'impression que rien ne t'atteignait. Mais moi je te connais mieux que quiconque. Je sais que c'est faux, que c'est ta façon à toi de te protéger, de ne pas être blessée. Tu as cette capacité à paraître vide, comme si aucune émotion ne te parcourait. Si vide et à la fois si vivante, si époustouflante. Je crois pouvoir dire que ce qui me manquera le plus, c'est ça. Cette manière que tu as de rendre chacun de mes moments un peu mornes, en moments un peu gais. Je me répète sans arrêt que ça va aller, que c'est pas si grave. Le médecin m'a demandé si j'avais peur, si je voulais qu'il y ait quelqu'un avec moi au moment où je partirai. Mais un gamin de 16 ans n'avoue jamais qu'il est mort de trouille. Et puis non, je ne veux pas qu'il y ait quelqu'un pour me voir mourir. J'ai pensé à toi bien sûr, à te faire venir, que l'on puisse partager un instant tous les deux. Mais j'ai réalisé que ce serait le dernier, et qu'ensuite tu serais seule. Et je m'en serais voulu de ne pas réussir à lutter davantage.
Mon état s'est très vite dégradé, un peu trop vite selon les docteurs et scientifiques quelconques. Pour eux, j'étais un cas extrême. Plus les jours passaient, plus je sentais que je n'avais plus l'envie ni la force de me battre encore et encore. Lundi, après une semaine de morphine, une semaine à passer entre toutes ces mains qui m'examinaient sous tous les angles, après tous ces examens, ces chirurgies pour tenter de sauver quelque chose de moi; après une semaine de combat quotidien, j'ai lâché prise. J'ai fait venir le docteur dans ma chambre.
- C'est la fin, ça y est je le sens. Je sens bien que je ne vais pas pouvoir continuer longtemps à me battre contre chaque parcelle de mon corps.
- Oui Milou, on arrive à la fin. Tu es sûr de vouloir rester seul ? C'est une épreuve tu sais, c'est vraiment difficile, pour ceux qui restent comme pour celui qui part.
- Je veux pas faire endurer ça à qui que ce soit. J'aurais mal ?
- Non, ça c'est moi qui m'en chargerait.
- Je vous ai menti. Je vous ai dit que j'avais pas peur, mais c'est faux. Je suis mort de peur. Je veux pas aller quelque part que je ne connais pas. Je veux pas partir, je veux continuer de respirer, je veux regarder encore le soleil se coucher pour ensuite le voir revenir. Je veux courir pendant des heures sans m'arrêter. Je veux respirer à un pleins poumons. Je veux fumer des cigarettes, je veux fumer jusqu'à avoir mal à la gorge. Je veux manifester, et voyager. Surtout voyager. Voyager partout. Sur tous les continents. Je veux pas mourir sans connaître chaque recoin de la planète. Je veux dormir des jours entiers, et aller au cinéma. Je veux manger une glace à la mangue parce que je déteste ça. Mais je suis sûr qu'avec un peu de temps je pourrais l'adorer. Je veux du temps moi ! Pourquoi je pourrais plus avoir le temps comme tout le monde ? C'est pas juste. Je veux aimer, je veux continuer d'aimer. J'aurais pu avoir pleins d'enfants. Ils auraient été magnifiques j'en suis sûr. Docteur je veux pas partir. Pas maintenant... Comment on peut partir sans avoir fini de vivre ? La mort après tout, c'est ça. La fin de la vie. Je veux pas que la mienne soit plus courte. J'ai peur. Je veux rester s'il vous plait.
- Mon garçon, j'aimerai tellement en être capable. Je sais que tu as peur. Moi aussi j'aurai peur à ta place. Mais tu vas peut-être quelque part d'encore plus beau qu'ici ! Peut-être que là où tu vas, ils t'offriront une seconde chance. Et tu voyageras peut-être, qui sait. Je vais rester avec toi. Je vais juste me mettre là, sur cette chaise, et me tenir près de toi. Si tu le souhaites je peux te tenir la main, si tu ne veux pas je garderai mes distances. Je vais juste être là, et quand tu partiras, je resterai encore un peu. Comme ça je t'accompagnerai pendant le voyage. Ensuite je m'occuperai de tout ne t'inquiète pas. Ferme les yeux. Fermes les yeux et laisse toi guider par le son de ma voix. Il est temps de partir Milou. Toutes ces souffrances sont inutiles. Libère-toi. Tu es libre.


Humain et brutal ! Incroyablement vibrant ! Bien sûr, quelques petites choses à revoir mais le talent est là ! Contactez nous vite Nina (editions-interlude@bbox.fr)
Merci beaucoup!
Texte agréable et bien écrit.